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Anne Percin

Les Singuliers - Brune au Rouergue, 2014

Prix Charles Oulmont 2015, dans la catégorie “Littérature”.

 
 

Auteur d'une quinzaine de livres pour les adultes et la jeunesse, publiée depuis 2009 aux Editions La brune au Rouergue, Anne Percin a guidé les aventures de Maxime Mainard (Comment (bien) rater ses vacances, 2010), pour accompagner ensuite des réflexions moins aisées (Ma mère, (son cancer) et moi, 2014),  tout en acquérant une notoriété inattendue avec Le jour du slip (2013)…
Le monde des Singuliers  n'est pas habité d'adolescents,  mais d'hommes et de femmes en recherche d'identité, peintres aujourd'hui célèbres et alors méconnus, débutants, acharnés autant qu'incertains. La singularité de l'artiste, c'est cette allure qu'observe et traduit le jeune Hugo Boch, venu lui aussi à Pont-Aven peindre sur le motif, dans ses lettres à sa cousine et à son ami.  Cet échange épistolaire reflète bien la fin du dix-neuvième siècle, où se transforment société,  industrie,  mœurs, et bien sûr l'art : la lumière bretonne peut être aimable, on n'en sent pas moins la violente odeur d'une peinture qui lève et veut changer le monde, on croit pénétrer la dure vie de ces artistes alors maudits,  et il nous semble nous glisser dans leur œuvre en même temps que leur vie quotidienne, leurs aspirations et leurs frustrations se dessinent. Le mélange des personnages réels et fictifs, joint à la rigueur des références historiques, loin d'assécher l'écriture, lui donne du corps, celui peut-être de la figure christique de Van Gogh, toujours attendu, si réel, et tellement au-delà.

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Les Singuliers ? Ils le sont tous, ces peintres de l’école dite de Pont-Aven qui ont pour témoin un certain Hugo Boch qui transforme leurs manières vivre en

un roman épistolaire où celui qui penchait plutôt pour la photographie nous dresse le plus vivant des tableaux sur ces artistes et aussi sur leur temps, la fin  du XIXe siècle, où la peinture sort du pompiérisme et entre dans l’inventif le plus scandaleux pour les conservateurs. Nous sommes en pleine bohême, avec des artistes qui croient à leur art et s’acharnent à le révolutionner.  Gauguin semble régner sur cette sorte de phalanstère de crève-la-faim, mais qui ont confiance en leur génie, même si ses démêlés avec Van Gogh, resté à Arles, sont acrimonieux. C’est un défilé de futurs grands artistes comme Signac, Sérusier, Toulouse-Lautrec, Seurat et tant d’autres, par le truchement des lettres, mais aussi de personnages fictifs plus vrais que toute invention car le roman invente toujours la réalité. A tous ces artistes qu’il côtoie, l’épistolier Hugo donne la magie de son regard perspicace, sensible à une singularité qui lui paraît peu commune et rebelle, et à une inventivité dans la création picturale qui n’a pas d’égale en ces temps singulier qui ouvre sur l’art du XXe siècle. 
Le prodigieux dans ce roman, c’est comment Anne Percin, dont l’imagination est à la hauteur d’un sujet pluridimensionnel, nous immerge dans ce milieu artistique, nous fait barboter dans ces peintures, nous ébroue dans ces existences qu’elle convoque sans s’embrouiller, avec une rare maîtrise, qui peu à peu inventent l’impressionnisme.  Comme l’écrit l’épistolier Hugo : « Je suis juste,de plus en plus, de mieux en mieux, singulier. » La seule définition du dictionnaire sur singulier donne les quatre notes de ce roman : unique, étonnant, étrange et curieux.

Joël Schmidt